
Alors que le pays s’enfonce dans une crise sécuritaire, humanitaire et institutionnelle sans précédent, le président du Conseil présidentiel de transition, Fritz Alphonse Jean, est finalement apparu dans les médias pour commenter la situation nationale. L’entretien, attendu et nécessaire, s’est révélé profondément décevant.
Une parole floue dans un moment de clarté absolue
Pendant près d’une heure, M. Jean a multiplié les déclarations générales et les formules prudentes. Il parle d’un “plan de sécurité en cinq points”, de “dialogue avec la diaspora”, de “diplomatie active”. Mais à aucun moment, il ne fournit de calendrier clair ni de moyens concrets.
Alors que des familles fuient les rafales et que des hôpitaux et des écoles ferment leurs portes, ce langage technocratique semble totalement déconnecté de la gravité du moment. Le peuple n’a pas besoin de promesses. Il attend des actes.
La sécurité, ou la première défaite de ce Conseil?
Port-au-Prince est aujourd’hui une capitale partiellement occupée. Les routes nationales sont coupées, les enfants déscolarisés, des quartiers entiers vides, déplacés par la peur. Pourtant, face à cette réalité, le Conseil ne propose qu’un “plan”, sans calendrier, sans force, sans ligne directrice.
On ne peut pas combattre des groupes lourdement armés avec des PowerPoint. Il faut une stratégie nationale lisible, un plan de reprise du territoire, un soutien clair aux forces de sécurité, une communication honnête. Rien de tout cela n’apparaît dans le discours du président du Conseil.
Un mandat clair, mais des résultats invisibles
Le Conseil présidentiel a été créé pour une mission limitée dans le temps : assurer la sécurité, organiser des élections crédibles et remettre le pouvoir à des autorités élues le 7 février 2025 au plus tard.
Nous sommes à la fin juin 2025. Et où en sommes-nous ?
- Aucune stratégie crédible de reconquête territoriale
- Aucune structure électorale finalisée
- Aucune date officielle annoncée
- Aucune réforme administrative d’urgence engagée
Ce retard n’est pas seulement administratif. C’est un échec politique. C’est chaque jour une chance de plus offerte aux gangs pour consolider leur emprise, et une humiliation de plus pour une population abandonnée.
Gouverner ou s’accrocher ?
L’impression qui se dégage est troublante : un Conseil plus préoccupé par son équilibre interne que par sa mission réelle. Un Conseil qui cherche la légitimité par le discours, mais qui refuse de la construire par l’action. Un Conseil qui hésite là où il faut trancher.
Mais on ne gère pas une transition comme une conférence. On gouverne pour restaurer l’État, rétablir la confiance, remettre la démocratie sur pied. Sinon, ce régime de transition finira comme les autres : sans fin, sans bilan, sans peuple.
7 février 2026 : la dernière promesse
Le peuple haïtien ne demande pas l’impossible. Il demande le minimum vital : vivre, circuler, envoyer ses enfants à l’école, voter dans des conditions sûres et dignes.
Le 7 février 2026 est la seule boussole légitime du Conseil. Toute tentative de repousser cette échéance serait une trahison pure et simple. Non seulement de la mission du Conseil, mais d’une génération entière qui n’a connu que la peur, le silence et l’exil.
Il est encore temps de choisir le courage. Mais le temps, lui s’épuise.
Ecrit par : Jean Samuel Bellevue