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Alors que le peuple haïtien vit l’une des périodes les plus sombres de son histoire, les membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) se perdent dans des querelles internes et des luttes d’influence indécentes. Les blocages répétés du Conseil des ministres, les affrontements verbaux entre conseillers, et l’incapacité à tracer une ligne directrice commune témoignent d’un leadership en panne, au moment même où la nation a désespérément besoin d’un cap clair.

Un Conseil divisé, une nation en péril

Créé le 25 avril 2024, le CPT avait pour mission historique de stabiliser la transition, rétablir l’ordre constitutionnel et organiser des élections démocratiques. Il devait être un organe collégial, représentatif des forces vives du pays, capable d’amorcer une rupture avec les pratiques politiciennes qui ont plongé Haïti dans le chaos. Pourtant, un an plus tard, l’unité tant attendue a cédé la place aux rivalités personnelles et aux divergences idéologiques. Le 24 juin 2025, trois conseillers ont publiquement accusé le président du Conseil, Fritz Alphonse Jean, de dérive autoritaire et de gestion unilatérale.

Cette déclaration publique, inédite dans un organe de transition, a mis à nu les fractures internes profondes. Alors que la collégialité devait être la clé du fonctionnement du CPT, c’est aujourd’hui le chacun pour soi qui domine. Pendant que les membres s’affrontent sur des postes, des protocoles et des prérogatives, le pays continue de s’enfoncer.

Une population sacrifiée

Pendant ce temps, le peuple haïtien vit une situation d’extrême détresse. À Port-au-Prince comme en province, les groupes armés règnent en maîtres, forçant des milliers de familles à fuir leurs maisons. Les écoles ferment, les hôpitaux manquent de tout, et la peur est devenue le quotidien. Selon les derniers chiffres du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), plus de 360 000 personnes sont déplacées internes, et la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire.

Chaque jour, des citoyens ordinaires meurent sous les balles ou dans l’indifférence, pendant que les leaders du pays s’enferment dans des disputes de pouvoir stériles. Les marchés sont vides, les produits de base inaccessibles, et les salaires, quand ils sont payés, ne suffisent plus à couvrir une semaine de dépenses. L’État est absent, et avec lui l’espoir d’un lendemain meilleur.

La transition en danger

Ces divisions mettent directement en péril l’objectif central du Conseil : organiser des élections crédibles. Or, aucun calendrier électoral n’a été publié. Aucune mesure concrète n’a été prise pour sécuriser le territoire, restaurer l’autorité de l’État ou regagner la confiance des citoyens dans les institutions. Comment organiser un scrutin dans un pays où la police nationale est dépassée, où les tribunaux ne fonctionnent pas, et où la majorité du territoire est sous le contrôle de groupes criminels ?

Pire encore, les tensions internes du CPT jettent le discrédit sur l’ensemble du processus. Les partenaires internationaux observent cette cacophonie avec inquiétude. L’image d’Haïti, déjà fragilisée, continue de se détériorer, et la possibilité d’un effondrement complet du processus de transition devient réelle.

L’heure de vérité

Les membres du Conseil doivent impérativement se souvenir de la responsabilité historique qui leur a été confiée. Ils ont accepté cette mission au nom du peuple haïtien. Cela suppose de dépasser les egos, de renouer le dialogue, et de bâtir un consensus, aussi difficile soit-il. La politique, surtout en période de crise, est un devoir de service, pas une quête de prestige.

Si les membres du CPT ne peuvent pas travailler ensemble, alors il leur revient d’avoir le courage politique de se retirer. Il faut savoir quitter la scène lorsqu’on devient un obstacle au redressement national. Le pays ne peut pas rester otage d’un leadership divisé, inopérant et sourd à la souffrance de la majorité.

Le peuple mérite mieux

Les Haïtiens n’attendent pas des miracles, mais des gestes concrets. Une gouvernance de transition, même limitée dans le temps, peut amorcer des réformes. Elle peut rétablir un minimum de sécurité, relancer les institutions locales, et préparer les conditions d’un retour à l’ordre constitutionnel. Rien de tout cela ne sera possible tant que les dirigeants actuels n’assument pas leurs responsabilités.

Haïti mérite mieux que des promesses creuses, des conférences de presse creuses et des réunions avortées. L’heure est grave. Le peuple est à bout. Et l’Histoire jugera sévèrement celles et ceux qui, face à l’urgence nationale, ont préféré la discorde au devoir.